Absence de mise en place du CSE au 31 décembre 2019 : quelles conséquences et quelles actions juridiques ?
Une des ordonnances Macron du 22 septembre 2017 prévoit la mise en place du Comité social et économique (CSE) au plus tard le 31 décembre 2019. Cette obligation d’avoir un CSE concerne tous les employeurs d’au moins 11 salariés, sauf s’ils ont déjà organisé les élections CSE et qu’ils justifient d’un procès-verbal de carence de candidats (ord. 2017-1386 du 22 septembre 2017, art. 9, II). Comme de nombreux employeurs n’ont pas respecté cette obligation, vous trouverez ci-après des réponses aux principales questions que pourront se poser nos syndicats. Avant tout, il est essentiel de préciser qu’un enjeu de la réponse syndicale consiste à bien déterminer dans quels cas intervenir, car il ne sera pas matériellement possible d’engager des actions tous azimuts. En effet, nous savons que, dans la pratique, les procédures pénales ou civiles visant à faire condamner les employeurs sont lourdes à gérer et n’aboutissent pas toujours. D’autant plus que la ministre du Travail a indiqué « qu’il y aura quelques semaines de battement » et que l’administration n’allait « pénaliser personne le 2 janvier ». Il faudra donc bien choisir les dossiers. Par exemple, pour favoriser les chances de condamnation d’un employeur, il sera préférable qu’il y ait eu effectivement une demande d’organisation des élections dans son entreprise.
De même, il serait dommage que nos démarches se soldent par un procès-verbal de carence de candidature. Ainsi, avant de demander l’organisation d’élections, il est indispensable de s’être assuré que l’on est potentiellement en mesure de présenter une liste CGT aux élections, voire idéalement de créer une base
syndicale dans l’entreprise.
Ensuite, dès lors que l’employeur a engagé la procédure de mise en place du CSE, la priorité ne doit pas être de se précipiter, mais au contraire de prendre le temps de négocier un CSE de haut niveau avec le maximum de droits.
C’est au regard de ces observations préalables que vous pourrez utiliser les éléments juridiques ci-après pour répondre aux questions qui ne manqueront pas de vous être posées les prochaines semaines.
1- Les anciennes institutions représentatives du personnel (DP, CE, CHSCT) peuvent-elles continuer à fonctionner après le 31 décembre 2019 ?
En principe non. En effet, les mandats des représentants du personnel prennent fin au plus tard au 31 décembre 2019 (ord. 2017-1386 du 22 septembre 2017, art. 9, II). Ils prennent fin par l’effet de la loi, il n’y a pas besoin de démarche particulière pour cela. En réponse aux questions de l’agence de presse sociale AEF, l’administration du travail (la DGT) a indiqué qu’ « un accord, même unanime, ne peut permettre de proroger les mandats » (Dépêche AEF info n° 618152 du 12/12/2019).Après le 31 décembre 2019, les représentants du personnel ne bénéficieront plus du statut protecteur au-delà du délai de 6 mois à partir de l’expiration du mandat ou de la disparition de l’institution (art. L. 2411-5 du Code du travail pour les DP ou les élus dans le cadre d’une DUP, L. 2411-8 pour les élus au CE, art. L. 2411-13 pour les élus au CHSCT). Et l’activité des différentes IRP n’aura a priori plus aucune valeur juridique.
Ainsi, participer au fonctionnement des anciennes IRP après le 31 décembre 2019 présente des risques pour les représentants du personnel.
Prorogation automatique des mandats en cas de saisine de la Direccte ou du tribunal d’instance. En réponse aux questions de l’agence de presse AEF, la DGT estime qu’en cas de saisine de la Direccte ou du tribunal d’instance, les mandats pourront être prorogés automatiquement jusqu’à la proclamation des résultats, y compris audelà du 31 décembre 2019. Il s’agit donc d’abord des hypothèses de saisine de la Direccte avant le 31/12/2019, soit en contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les établissements distincts, soit en cas de désaccord sur la répartition des sièges et du personnel entre les collèges.
Pour la DGT « Dans ces cas de figure, les textes applicables prévoient que, lorsque la saisine de la Direccte intervient dans le cadre d’un processus électoral global, ce processus est suspendu jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation automatique des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin, ce qui doit être entendu, y compris au-delà du 31 décembre 2019. En cas de contestation de la décision de la Direccte avant le 31 décembre 2019 devant le tribunal d’instance, la saisine du tribunal a pour effet de proroger les mandats en cours jusqu’à la proclamation des résultats dès lors que le jugement du tribunal peut se substituer à la décision de la Direccte. »
Ensuite, toujours selon la DGT, « la saisine du tribunal d’instance avant le 31 décembre a pour effet de proroger les mandats jusqu’à la proclamation des résultats de l’élection du CSE, y compris au-delà du 31 décembre 2019. Cette saisine peut intervenir soit en l’absence d’accord sur les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales, soit dans le cadre du contentieux préélectoral » (Dépêche AEF info n° 618152 du 12/12/2019).
2- Que devient le mandat du délégué syndical ?
Depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le mandat du délégué syndical s’achève au plus tard lors du premier tour des élections, le syndicat devant alors redésigner un délégué syndical. En l’absence d’élection du CSE dans les délais impartis, la DGT estime que deux situations doivent être distinguées (Dépêche AEF info n° 618152 du 12/12/2019).
« Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la loi lie explicitement le mandat de délégué syndical à celui de délégué du personnel (titulaire). Par conséquent, le mandat syndical cesse de plein droit à l’échéance du mandat de délégué du personnel ». Donc au plus tard au 31 décembre 2019. Cette position de la DGT est discutable mais elle est
assez logique juridiquement et ne sera donc pas facile à contester.
En revanche, pour la DGT, « dans les entreprises employant au moins 50 salariés, le délégué syndical n’est pas nécessairement un élu, l’organisation syndicale représentative pouvant désigner un délégué syndical parmi des candidats non élus ou à défaut parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou parmi ses anciens élus. Par suite, le mandat syndical se poursuit jusqu’à l’organisation du premier tour des élections ». Dès lors le mandat continue au-delà du 31 décembre 2019.