Dicté par l’intérêt de l’entreprise, un salarié peut être licencié pour un motif non lié à une faute, à condition d’invoquer une cause réelle et sérieuse. Ainsi, en matière non disciplinaire, la jurisprudence a dégagé, puis précisé, les principaux motifs de licenciement : le motif professionnel lié à l’insuffisance professionnelle mais aussi les motifs issus des considérations subjectives de l’employeur. Sur le cas particulier du licenciement lié à l’état de santé du salarié résultant d’une maladie non professionnelle.
I – Licenciement lié à un motif professionnel
* L’insuffisance professionnelle
Lorsque le salarié n’est pas en mesure, malgré tous ses efforts, d’exécuter son travail de façon satisfaisante, l’employeur peut, à certaines conditions, licencier le salarié pour insuffisance professionnelle.
Mais si l’insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, elle ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 20 oct. 2009, n° 08-42066).
Il appartient à l’employeur d’établir cette insuffisance par des éléments précis et objectifs. À défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
* L’insuffisance de résultats
L’insuffisance de résultats ne peut en elle-même être une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 19 oct. 2007, n° 05-45980).
Elle ne peut résulter que d’une faute du salarié ou de son insuffisance professionnelle (Cass. soc. 25 fév. 2003, n° 00-42866).
Dans le premier cas, le licenciement sera déclaré fautif. Dans le second cas, les objectifs ne sont pas réalisés en raison de l’incapacité du salarié à les atteindre, et ce en dépit de tous ses efforts. Ainsi, dès lors que l’insuffisance professionnelle est établie, l’employeur n’a pas à avancer une faute du salarié pour procéder au licenciement du salarié (Cass. soc. 13 janv. 2004, n° 01-45931 et n° 01-45932).
Le juge n’a pas à substituer son appréciation à celle de l’employeur.
Mais il doit vérifier :
- que l’insuffisance de résultats est établie par des éléments objectivement vérifiables (Cass. soc. 30 nov. 2005, n° 03-47591) ; il peut s’agir de la comparaison des résultats obtenus par le salarié avec ceux de ses collègues (Cass. soc. 5 avril 1990, n° 87-45861), ou encore la non-réalisation d’objectifs, contractuels ou non, à condition que ceux-ci soient réalistes (Cass. soc. 3 fév. 1999, n° 97-40606) ;
- que l’insuffisance de résultats est bien imputable au salarié (Cass. soc. 27 mars 2008, n° 06-44487). Par exemple elle ne doit pas avoir pour cause une situation de concurrence accrue (Cass. soc. 18 déc. 2001, n° 99-45360) ou résulter d’une décision de l’employeur (Cass. soc. 6 fév. 1990, n° 87-43729).
Il revient à l’employeur de définir unilatéralement les objectifs à atteindre. Mais ceux-ci doivent être réalistes (Cass. soc. 22 mai 2001, n° 99-41838).
S’ils sont réalistes, leur non-réalisation peut constituer un motif valable de licenciement, même en l’absence d’objectifs contractuellement acceptés par les parties (Cass. soc. 17 déc. 2003, n° 01-44851).
II – Le licenciement résultant des considérations subjectives de l’employeur : la perte de confiance, la mésentente et l’incompatibilité d’humeur
* La perte de confiance
La perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement, même quand elle repose sur des éléments objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l’employeur (Cass. soc. 29 mai 2001, n° 98-46341 et Cass. soc. 30 mars 2005, n° 03-41380).
• soit l’employeur invoque des griefs justifiant à eux seuls un licenciement ;
• soit les faits reprochés au salarié ne légitiment pas la rupture, même s’ils provoquent une perte de confiance de l’employeur (Cass. soc. 13 janv. 2004, n° 01-47178.)
Il faut donc rechercher la cause exacte et le motif réel de rupture, qui, très souvent est un motif caché (par exemple, si le salarié n’a pas été remplacé, alors il s’agit sûrement d’un licenciement pour motif économique déguisé). Le juge peut notamment vérifier dans le registre unique du personnel le remplacement du salarié licencié au même poste et à la même qualification.
* L’incompatibilité d’humeur
L’incompatibilité d’humeur ne peut justifier en elle-même un licenciement.
Par exemple, la lettre de licenciement se bornant à invoquer ce motif ne répond pas à l’exigence de motif précis énoncée à l’article L. 1232-6 du Code du travail. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 26 janv. 2005, n° 03-43497).
Mais l’incompatibilité d’humeur peut justifier un licenciement lorsqu’elle repose sur des faits matériellement vérifiables (Cass. soc. 2 avril 2003, n° 01-42294).
* La mésentente
La mésentente pour être un motif légitime de rupture du contrat doit reposer sur des éléments objectifs imputables au salarié et avoir une incidence sur la bonne marche de l’entreprise. Elle ne constitue donc pas en soi un motif de licenciement (Cass. soc. 27 fév. 2007, n° 05-42356).
La mésentente doit être imputable au salarié, il importe peu qu’elle ne soit pas exclusivement attribuable au salarié (Cass. soc. 19 juin 1985, n° 82-40760).
Cependant, lorsque la mésentente résulte du comportement du supérieur hiérarchique du salarié ou de l’employeur, le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 12 janv. 2000, n° 97-43936).
La mésentente doit également avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Il peut s’agir par exemple :
- d’une opposition totale des conceptions économiques et financières d’un responsable à celles de son employeur (Cass. soc. 6 nov. 1984, n° 82-42375) ;
- de dénigrement et harcèlement de ses subordonnés en public et d’une agressivité à l’égard de l’employeur, des autres salariés et des cocontractants de l’entreprise (Cass. soc. 23 fév. 2005, n° 02-45988).
- d’un comportement d’agressivité envers deux autres salariés (Cass. soc. 1er mars 2011, n° 09-69643).