Coronavirus et danger de contamination, le droit d’alerte du CSE
Pour pousser l’employeur à prendre de vraies mesures de protection face au risque de contamination, les élus du comité social et économique (CSE) peuvent exercer leur droit d’alerte. Une procédure simple, qui peut rapidement faire bouger les lignes.
Il faut le marteler, le télétravail est le moyen le plus efficace pour lutter contre la diffusion du coronavirus parce qu’il limite les contacts physiques. Il est la règle impérative pour tous les postes qui le permettent depuis le 16 mars dernier.
Pour tous les emplois non compatibles avec le télétravail, chaque employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés (À lire « Coronavirus, quelles protections sur les lieux de travail ? »).
En cas de danger grave et imminent de contamination, l’employeur doit, de lui-même, donner les instructions nécessaires aux salariés pour qu’ils puissent se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail. S’il ne le fait pas, deux procédures peuvent être déclenchées simultanément :
l’exercice du droit de retrait par les salariés.
l’exercice du droit d’alerte par les élus du comité social et économique (CSE).
Le constat d’un danger grave et imminent
L’exercice du droit d’alerte par le CSE suppose l’existence d’un « danger grave et imminent » (art. L. 4131-2 et L. 2312-60 C. trav.). Plusieurs travailleurs peuvent être concernés, mais aussi un seul. Tel pourrait être le cas, par exemple, de l’unique salarié en poste à l’accueil du public ou des livraisons.
Le danger est imminent lorsqu’il est susceptible de se réaliser dans un bref délai. Il est grave lorsqu’il porte atteinte à la santé et peut avoir pour conséquence une maladie pouvant entraîner la mort. Nul doute qu’il y a « danger grave et imminent » lorsque l’employeur ne prend les mesures de protection nécessaires alors que des salariés sont en contact entre eux ou avec des tiers.
Le coronavirus, rappelons-le, peut provoquer un syndrome de détresse respiratoire aigu pouvant entraîner le décès.
Le droit d’alerte peut être déclenché par un ou plusieurs élus du CSE.
L’unanimité n’est pas obligatoire (art. L. 4131-2 C. trav.).
Les élus en avisent immédiatement l’employeur – ou son représentant dans l’établissement – et consignent le droit d’alerte par écrit, dans le registre des dangers graves et imminents. Tenu sous la responsabilité de l’employeur et mis à la disposition des élus du CSE, ce registre est destiné à assurer la traçabilité des alertes ; ses pages sont numérotées et authentifiées par le tampon du CSE (art. L. 4132-2, D. 4132-1 & art. D. 4132-2 C. trav.).
L’avis transcrit dans le registre doit impérativement comporter (art. D. 4132-1 C. trav.) :
la nature et la cause du danger ;
les postes de travail concernés ;
les noms des travailleurs exposés ;
la date et la signature du représentant du personnel qui consigne l’alerte.
Une enquête conjointe
Une fois ces formalités accomplies, l’employeur doit immédiatement mener une enquête avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger (art. L. 4132-2 C. trav.). L’objectif est de se mettre d’accord sur les mesures qui feront cesser le danger de contamination.
À savoir
Le temps passé à la recherche de ces mesures préventives n’est pas imputé sur le crédit d’heures de délégation. Il est payé comme du temps de travail effectif (art. L. 4614-6 C. trav.).
Quelques exemples :
réorganisation des postes des salariés présentant un risque sérieux d’être contaminés ;
désinfection des surfaces proches très fréquente;
suppression des réunions en présentiel non indispensables ;
demande faites aux salariés identifiés comme « cas contact à haut risque » de rester à leur domicile ;
restrictions apportées à l’entrée des prestataires dans l’établissement, etc.
Deux issues possibles.
Un accord est trouvé sur les mesures à adopter, la procédure s’arrête là : ces mesures sont consignées et mises en œuvre dans les plus brefs délais.
Il y a désaccord sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser.
L’employeur doit (art. L. 4132-3 C. trav.) :
→ informer immédiatement l’inspecteur du travail ;
→ informer immédiatement l’agent du service de prévention de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT ex- caisse régionale d’assurance maladie) ;
→ réunir le CSE d’urgence, dans un délai de 24 heures au maximum ; l’inspecteur du travail et l’agent du service de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie peuvent assister à cette réunion. Bien sûr, compte tenu du contexte, cette réunion pourra avoir lieu par visio-conférence.
Après l’enquête
À l’issue de cette réunion, deux possibilités :
Le CSE vote favorablement pour les mesures proposées par l’employeur : elles sont mises en œuvre dans les plus brefs délais.
Le vote du CSE est défavorable : l’employeur doit alors saisir l’inspecteur du travail qui transmet le dossier au Directeur régional du travail, lequel peut imposer des mesures de protection ( L. 4132-4 C. trav.).
À noter
Par mail, par affichage, sur l’intranet… peu importe le(s) support(s), il est indispensable que les élus du CSE, en lien avec le syndicat, expliquent de façon claire aux salariés en quoi l’employeur ne prend pas les mesures nécessaires pour les protéger de la propagation du virus. Il faut aussi communiquer sur le déroulement de la procédure et les mesures qui en découlent.
Le droit de retrait aussi ?
En appui au droit d’alerte, l’exercice du droit de retrait peut constituer une mesure forte et efficace. Face à un danger grave et imminent, les salariés sont en droit de cesser le travail (art. L. 4131-1 C. trav.). Ce droit appartient à chaque salarié mais il peut être exercé collectivement. Sa simple évocation devant l’employeur par les élus du CSE – en lien avec le syndicat – peut accélérer la prise de décisions.
Répondre
Se joindre à la discussion ?Vous êtes libre de contribuer !